.Réflection sans fin.

Quelqu'un marchait dans l'herbe. Cette herbe humide qui bruissait sous ses pas, la seule à rompre le silence. Le jeune homme s'avançait avec lenteur dans cette prairie. Devant lui se dressait la silhouette sombre et lugubre du château. Ses tours en ruine, sa muraille partiellement détruite. Imaginant avec un certain plaisir la vie qu'avait du y mener son ancien seigneur, et tentant de visualiser pour quelles raisons le domaine était désormais si délabré . Que faisait ici, un garçon à peine majeur, au visage si pâle, si innocent encore ?
A vrai dire, innocent, il était loin de l'être. Deidara avait tué son père. Ne pouvant pourtant se résoudre à massacrer le reste de sa petite famille, il s'était enfuit. Longtemps, il avait erré. Puis, Itachi était venu le recruter. Bien que d'un groupe de pilleurs différent, Uchiwa Itachi avait été son maître. Et il gardait une place importante dans le coeur du jeune homme. Son idole. Son meilleur et unique ami. Et que faisait-il en cet instant ? Il le cherchait, tout simplement. Et il avait fini par éliminer beaucoup de lieux. Ce château était sa dernière chance. Itachi devait y être. C'était important pour Deidara qui s'était juré de toujours rester près de lui. S'il le fallait, le jeune homme se laisserait tuer, pour que son ancien maitre ait la vie sauve. C'était lui qui, alors qu'il était plus jeune, lui avait appris à manier son arme, à se battre. Lui qui par sa force et sa puissance avait acquis le respect et l'admiration de Deidy. Lui, qui, alors que le caractère arrogant de son élève envenimait la situation, les avaient tiré de mauvais pas. Pour le garçon, la question ne se posait pas.
Qui était le plus puissant ? Son maître. Il lui avait enseigné ce qu'il fallait savoir. Deidara, de l'enseignement de son père et d'Itachi, avaient extrait chaque goutte de connaissance, avant de créer ses propres techniques. Cruelles, mais si efficaces. L'art est explosion. L'artiste lui même est éphémère . Il avait frolé la mort plusieurs fois. Durant un combat il avait manqué perdre son bras. Mais il avait confiance. Confiance en son ami qui l'avait sauvé à l'époque. En passant le pont-levis, de sa démarche souple, Deidara eut l'intuition qu'il trouverait enfin Itachi. Là, quelqu'un avait piétiné l'herbe. Touché la poignée, effritant la rouille.

Un instant plus tard, et il entrait dans un salon. Là, quelques bougies éclairaient le visage impassible de son maître. Deidara s'avança rapidement, et sur son passage, la lueur de lumière s'éteint brusquement, soufflée par sa course. Ses pupilles se dilatèrent. Ignorant l'obscurité, le garçon s'avança, ses cheveux blonds suivant sa course d'un mouvement ample. Il s'approcha d'Itachi, assez pour distinguer sa silhouette dans le noir.

» J'espérais que tu serais là.

Sa phrase avait été prononcé de sa voix calme, mais bouillonante. Maladroit , le jeune homme ne cachait jamais ses émotions, et chacun de ses mots laissaient entrevoir l'énergie qui coulait dans son sang.

"C'est moi qui te fait cet effet la, Deidara ?"

Le regard bleu du jeune homme était braqué sur son meilleur ami.
Plongeant dans les yeux rouges, si froids, d'Itachi, il resta un instant sans rien dire.
L'obscurité teintait le regard glacé de son maître d'une ombre inquiétante. Mais il ne le craignait pas. Au plus profond de lui-même, il avait confiance en Itachi. Il pouvait compter sur lui, et jamais il ne remettrait en cause cette certitude. Depuis qu'il l'avait rencontré, sa vie lui était resté, grâce à son ami. Pourtant, il se pourrait qu'un jour Itachi ne soit pas là pour lui. Il se pourrait, qu'une fois, il arrive trop tard. Et que plus rien ne soit possible pour sauver le garçon de la mort. Mort qu'il avait semé par le passé, et qu'il sémerait à nouveau puisqu'il le fallait. Une fois de plus il poursuivait son maître, le retrouvant alors que sans doute, celui-ci espérait rester seul. Mais Deidara refusait de l'abandonner. Il avait besoin d'être près de lui. Près de cette personne qui était tout pour lui. Le commencement et la fin. La tristesse et la joie. Son sourire et ses pleurs. D'ailleurs, puisqu'il est question de sourire . . . Non . Deidara n'avait pas apperçu cet infime expression qui avait étiré les lèvres de son idole. il était trop occupé à s'approcher de lui. Il s'agenouilla, deux marches au dessous d'Itachi, le dévisageant. Cette fois, il appercevait nettement son visage.
Réfléchissant à toute allure à une réponse plausible, son expression se fit songeuse, alors que ses yeux, habituellement moqueur et arrogant, s'adoucissaient, faisant ressortir ce qu'il y avait de plus doux en lui. Cette petite lueur qui faisait que certaine personne le prennait même pour une fille. Mais ne parlons pas trop fort. Cela vexerait Deidy s'il nous entendait. Un sourire passa sur ses lèvres, bien plus net que celui d'Itachi.

» Je ne vois personne d'autre ici.

Sur ces mots, son regard se détourna vivement. Il ne pouvait pas lui mentir. Être en face d'Itachi lui faisait un certain effet, c'était vrai. Il se sentait différent. Plus vivant, plus heureux. Ses émotions ressortaient dans son regard, sa voix et son sourire, sans qu'il ne puisse les retenir. De là à dire qu'il désirait, ou même était attiré par son maître, il y avait heureusement plus qu'un pas. Deidy n'avait jamais connu ni amour, ni désir. Il vivait dans la crainte de perdre l'amitié d'Itachi, qui comptait plus que tout au monde pour lui. Il n'envisageait même plus sa vie dans cet homme, qui faisait partie de Deidara désormais.
D'un tempérament colérique, Deidara savait exprimer la haine, la colère, jusqu'à la simple irritation. En revanche, il ne savait pas transmettre des sentiments plus doux. L'amitié, l'amour ... l'affection. Il ne le disait pas. Il se contentait d'agir en fonction de ses émotions.

"Hmm ..."

"Tu sais, l'élève que tu étais ne me manque pas vraiment."

Deidara regardait le sol. Le plancher vermoulus. La poussière, les toiles d’araignées.
Il préférait ne pas croiser les yeux de son ami en cet instant. Ce qu’il avait dit semblait ridicule maintenant qu’il y repensait. Son maître, lui faire de l’effet . . . Il était pitoyable. Se montrerait-il un jour digne de côtoyer Itachi ? Pourquoi était-il si différent de son ami, tout en se sentant si proche de lui ? Ignorant le petit marmonnement de l’homme près de lui, il se laissa aller dans ses pensées. Il n’avait jamais rencontré de femmes qui lui aient vraiment plu. Certaines l’avaient attiré. Il en avait apprécié d’autres. Mais jamais, l’amour n’avait existé.
Il savait bien qu’un jour cela lui tomberait dessus. Le jeune homme ne pouvait se contenter de vouer une loyauté indéfectible pour son ancien professeur. Lorsqu’Itachi prit la parole, il resta un long moment silencieux, tentant de décoder les mots prononcés par le pilleur.
Etait-il soulagé de ne plus avoir Deidara pour élève ? Ou préférait-il leur nouvelle relation ?
Au lieu d’être un simple respect, il y avait une amitié forte entre eux. Relevant la tête vers Itachi, Deidara se déplaça, s’installant à coté de son ancien professeur sur la marche branlante.
Ses cheveux blonds retombèrent le long de son dos. Il sentait se soulever la cage thoracique du Kanon près de lui, au gré de sa profonde respiration. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale. Il doutait. Il doutait depuis toujours de l’amitié, de l’amour, de son ami.
Il savait qu’Itachi, dans le passé, avait assassiné son meilleur ami. Recommencerait-il un jour avec Deidara ? Malgré la confiance qu’il avait envers le tueur, il craignait que tout ne se brise un jour. Ses yeux bleus revinrent vers ceux d’Itachi qui observait les environs de son regard impénétrable.

» Il te faudra bien me remplacer . . . Les Ryuuketsu ont besoin de disciples.

A l’idée même d’être remplacé dans le cœur de Tachi, il se sentit agacé.
Son visage qui n’affichait ni bonheur ni amitié, laissa passer une vague grimace mécontente.
Presque douloureuse. Il savait qu’en effet, Itachi devrait reprendre un élève. Lui-même, Deidara, devrait servir un peu les Iyoku , et enseigner à un jeune homme. Leurs liens se desserreraient, et lentement, ils deviendraient les ennemis qu’ils auraient du être, l’un étant Kanon, l’autre Iyoku.

"Es tu devenu encore plus fort, Deidara ?"

La question de l'Uchiwa figea le jeune homme. Il n'était pas question d'amitié et de liens.
Il n'était pas question d'humeur et de joie. Non. Il était question de force, de pouvoir, de puissance. Le jeune blond était avide de cette force qui coulait en lui. Cette force que depuis toujours il entretenait, depuis le jour où son père lui avait fait part du poid qui reposait sur ses frêles épaules, à l'époque où il n'était encore qu'un enfant.
Deidara avait décidé, voilà peu de temps, après qu'Itachi lui ait sauvé la vie, qu'il serait là. Là le jour ou Itachi rencontrerait quelqu'un trop fort pour lui. Là pour se jeter devant lui, là pour le sauver, lui rendre ce qu'il lui devait. Non. Il ne pourrait jamais lui rendre tout ce qu'il lui devait. Il lui devait la vie, de nombreuses fois. Le bonheur, ses rares sourires. Il lui devait le futur qui s'ouvrait devant lui, la force qui coulait en ses veines . Itachi avait tout fait pour lui. En cet instant, Deidara aurait aimé vaincre sa répugnance pour les sentiments. Ecraser sa fierté comme un simple insecte, et le remercier. Lui parler, déverser ses sentiments en parlant sans s'arrêter. Au lieu de cela, il se contenta de se lever. Il dévala les trois marches qui grincèrent. Tournant le dos à son ancien maître, il sentit la puissance du sharingan derrière lui. Sans même se retourner Deidara répondit.

» A toi d'en décider.

Et à toi seul.
Il avait parfois cru qu'un jour il regretterait sa nouvelle vie. En effet, il arrivait qu'il soit pris de nostalgie. Mais jamais il n'avait regretté d'avoir été l'élève d'Uchiha Itachi.
Sa soeur parfois, lui revenait en images. Il imaginait ce qu'elle avait pu devenir. Comme lui, elle était blonde. Incroyablement jolie, ce qui les différenciait. Elle était féminine. Malheureusement, autant l'avouer lui aussi le paraissait. Un jour il la retrouverait. Mais leur relation serait alors bien loin de celle d'autrefois . . . Elle l'avait toujours soutenu, et il l'avait aimé. Mais désormais, elle le haïssait. Elle devait sûrement chercher à le détruire, pour ce qu'il avait fait à leur père . . . Et leur mère, était elle au moins encore en vie ?
Cessant de songer à son passé qui faisait renaître en lui un remugle de tristesse, il tourna la tête vers Itachi .

« Merci pour ce que tu as fait . . . merci » Il aurait aimé le dire à voix haute, mais il ne réussit qu'à le penser.

Un jour pourtant il lui dirait. Il lui crierait tout haut qu'il avait été fier de l'avoir pour maitre, heureux de l'avoir pour ami, comblé de l'avoir pour... Il arrêta le cours de ses pensées. Détaillant ce visage sombre, ces yeux, qui , au lieu de rester noirs, utilisaient constamment le sharingan. Ces yeux si surprenants . . .

"Viens."

"Trouve moi."

Le sharingan. Un regard écarlate qui, lorsqu’il croisa le sien, sembla presque tressaillir.
Deidara se contenta d’observer Itachi quand celui-ci bondit sur ses pieds, avant de le rejoindre. L’air accusateur qui tranchait si bien avec l’habituelle expression froide de son ami ne lui échappa pas. Il feignit l’incompréhension, et retrouva rapidement un visage de marbre.
Malgré leur face à face. Le jeune homme percevait la vie qui pulsait dans le torse d’Itachi.
Tout comme lui devait entendre son cœur battre sourdement à l’abri de ses côtes, gardant un rythme agité, tout comme le caractère de Deidara l’était. Lorsque son ami lui prit le poignet, d’un geste vif et loin d’être délicat, il esquissa un mouvement de recul, surpris.
Ses cheveux blonds trahirent son sursaut, avant qu’il ne s’apaise, constatant qu’Itachi semblait encore calme, et ne lui en voulait apparemment pas plus que ça.
Leurs regards étaient plongés l’un dans l’autre, avant que son meilleur ami ne parle.
Qu’il vienne . . . Deidara le suivit docilement, fermant ses yeux si sensibles lorsque le soleil les transperça de ses rayons venimeux. Bientôt sa main fut libérée, et il put enfin distinguer les environs, alors que son regard s’habituait à la luminosité.

» Qu’est ce que tu . . .

Des clones. Simple illusion. Son regard se tourna de droite à gauche, et le jeune homme observa les répliques parfaites de son ami qui le contemplaient de leurs regards glacés.
Que cherchait-il exactement à lui prouver ? Un peu perdu, il ne laissa rien paraître.
Son visage restait impassible, presque distant. En sortant, il avait l’impression de perdre quelque chose. Comme si un instant auparavant ils étaient coupés du monde, et que déjà il fallait retrouver la réalité. Celle qui lui brûlait les yeux. Et qui lui montrait qu’il était encore faible. Emotionnellement. Il aurait du se détacher enfin d’Itachi, cesser le considérer comme son maître, comme celui qu’il admirait et respectait. Comme celui qu’il aimait.
S’attacher le rendait plus faible. Si son ami mourait, où était menacé, lui-même serait alors démuni. Il le sentait dans tout son corps, jusqu’à la moelle de ses os. Mais si ce jour terrible venait, alors Deidara ferait tout pour rester maître de lui-même. Il ferma les yeux, sentant le vent arracher le lien qui retenait sa chevelure. Il fallait se concentrer. Il n’avait même pas besoin d’utiliser son pouvoir pour retrouver l’original. Il suffisait de se fier à sa connaissance d’Itachi. Il rouvrit donc les yeux, et dévisagea chaque clone, chaque Itachi. Mais à tous manquaient cette petite chose si étrange qui faisait d’Itachi quelqu’un de si admirable aux yeux de Deidara. Aucun ne captivait son regard. Il glissa sur eux, cherchant l’unique, le véritable. C’est alors qu’il le reconnut, ou crut le reconnaître. Ignorant les illusions sans consistance, il s’avança d’un pas hésitant vers celui qu’il pensait être l’original.
Sombre, nonchalant. Adossé contre un arbre, son regard posé sur Deidara. Différent des autres qui semblaient si vides, si ternes comparés à son maître qui brillait d’une aura certes effrayante, mais si lumineuse. D’une main, Deidara effleura la joue de son maître, du bout de ses doigts erraflés. Constatant qu’il était réel, il recula, son regard fixant Itachi sans le voir.
Cela n’avait pas pris plus de dix minutes.

» Trouvé. Murmura il alors simplement, comme un enfant terminant un jeu de cache cache.

"Excuse moi Deidara ... Si je te traite parfois encore comme mon inférieur."

Son cœur eut un sursaut à l’intérieur de sa poitrine.
Il ne comprenait pas. Ou il ne voulait pas comprendre. Entendre Itachi s’excuser le troublait infiniment. Mais il resta silencieux. Son ami n’avait pas à demander pardon.
C’était plutôt à lui de le faire. Il n’était pas à la hauteur. Il montrait trop d’émotions.
Son sensei lui, restait impassible, qu’importe les circonstances. Peut-être qu’au fond cela le dérangeait. Qu’il ne cède pas à la vague de ses sentiments, même lorsque Deidara était blessé, même lorsque Deidara laissait sous-entendre qu’ils devraient s’éloigner l’un de l’autre.
C’était vexant pour lui, qui brûlait si facilement de rage. Il ne laissait que rarement passer un sourire sur ses lèvres, ou une expression tendre dans son regard froid, haineux.
Sourcils froncés, il dévisagea Itachi. Son expression dure ne l’atteignait plus. Pas autant que ces rares sourires que lui offrait parfois son compagnon. Un sourire venait d’ailleurs de disparaître. Son meilleur ami semblait comme stupéfait par ses propres mots.

» Merde . . . souffla il, d’une voix rauque.

Il avait parlé imperceptiblement, ne sachant que dire à son ami. Ses yeux étaient posés sur ceux d’Itachi. Mais Deidara ne le regardait pas. Son regard était vague, presque rêveur.
Presque. Le jeune homme passa sa main dans ses longs cheveux blonds qui fouettaient son visage aux traits si fins, si féminins. Au fond de lui-même il n’avait pas envie de répondre. Son regard se fit plus présent, et plongea dans le regard d’Itachi. Il attendait que son ami lui réponde. C’était obligatoire.

» Pourquoi t’excuser . . . tu as parfaitement raison. En devenant ton élève je n’espérais pas t’égaler. Je n’avais que l’espoir de me surpasser.

Une flamme vacilla dans son regard si colérique. Il mourait pour vaincre. Toujours repousser ses limites, aller un peu plus loin, jusqu’au jour où il ne pourrait plus. Jusqu’au jour où la mort viendrait le chercher. Il marchait vers sa fin, et il s’y dirigeait sans peur.
Brusquement, le jeune homme eut envie de s’en aller. Il était perdu. Depuis les excuses de son ami, depuis le trouble étrange qui le prenait, lorsqu’il songeait qu’Itachi devrait prendre un élève. La jalousie qui dévorait son cœur. Lorsqu’il était plus jeune, il avait été heureux d’avoir un maître si doué. Ignorant que leur relation deviendrait aussi forte. Ignorant même qu’il pourrait ressentir plus que du respect ou de l’admiration pour l’homme aux yeux rouges.

"Hum ..."

Pourquoi t'excuser

"Fait ce que tu veux maintenant."

Deidara ne cilla pas. Il lui avait dit de faire ce qu’il voulait. C’est ce qu’il faisait depuis toujours. Il avait voulu tuer son père, il avait voulu avoir Itachi comme maître. Il avait voulu rester à ses cotés. Tout cela n’était pas arrivé par hasard, il l’avait vraiment voulu et pas seulement accepté. Refuser de faire partie des Ryuuketsu l’aurait conduit à la mort. Mais il n’avait jamais eu l’intention de refuser. Au moment même où Itachi l’avait recruté, sa véritable vie avait commencé. Il était devenu celui qu’il était vraiment. S’élevant toujours plus vers la force. Il n’avait peut-être pas autant de pouvoir qu’il l’aurait voulu. Mais il serait simple pour les Ryuuketsu de s’emparer d’un village. D’un. Pas de tous. Ils étaient encore trop peu nombreux. Il suivit du regard son maître alors qu’il se laissait glisser le long de l’arbre. Les mots auraient pu le blesser. Mais il ne partirait pas. Il aurait voulu oublier Itachi. Ne pas s’attacher, vivre en solitaire. C’était trop tard. Alors au lieu d’en déduire qu’il était faible, il pouvait tirer de la force de ce soutien. De cette amitié. Son regard se posa sur le jeune homme adossé à cet arbre, qui ne le regardait même plus. Et, brusquement, Deidara s’agenouilla. Il s’agenouilla près de lui, ses yeux ne quittant pas son meilleur ami. Il ferait ce qu’il voulait.

» J’y compte bien … murmura il.

En effet les deux hommes n’avaient rien en commun. Mais Deidara avait confiance en Itachi. Et ils étaient amis. Une amitié forte, qui comptait énormément pour le jeune Iyoku.
Ses longs cheveux blonds étaient soulevés par le vent, dégageant son visage pâle.
Il aurait voulu rester toujours, mais il lui fallait partir souvent. Il aurait un élève. Peut-être rencontrerait-il quelqu’un qui lui plairait, qu’il aimerait. Mais il reviendrait toujours vers son meilleur ami. Qu’il lui faille mourir ou non. Qu’il souffre ou non, son ami resterait sa priorité.
Il avait été le premier à être là pour lui. Il l’avait sauvé de la solitude, des ténèbres, et même de la mort. Comment Deidara pourrait il l’abandonner. Sa main, pâle, dont les ongles étaient recouverts du même vernis violet que son ami, se tendit à nouveau vers le visage baissé d’Itachi. Saisissant une mèche des cheveux noirs qui volaient dans le vent, il joua avec, son regard se faisant vague. Puis, il se releva, comme s’il allait partir. Mais il n’en fit rien. Non, il resta là, à l’observer, lui debout, son ami assis. Et à nouveau il prit la parole, sa voix se mêlant au souffle du vent, si basse qu’Itachi aurait pu ne jamais l’entendre. Mais il savait les sens de son ami très aigus. Rien ne lui échapperait.

» Ce que je veux, c’est rester près de toi.

Ce que je veux, c’est rester près de toi ...

" Si c'est ce que tu veux alors ... "

" J'en ferais aussi ma propre volonté. "

Il ne bougeait plus, ne cillait même plus.
Le silence brisé, le vent sifflait à ses oreilles, s’insinuant en des murmures perfides jusqu’à son esprit corrompu. Comment si jeune l’être humain peut-il s’avérer mauvais, détruit, pourri jusqu’au plus profond de son âme ? C’était une question à laquelle le ciel ne répondra pas.
Nous sommes seuls face à nos actes. Ceux de Deidara, lentement, les uns après les autres, avaient détruit vie et innocence. Bonheur et insouciance. Sans raison. Il ne tenterait pas de se justifier devant l’éternel. Et brûlerait dans les flammes agressives de l’enfer. Là bas il y aurait peut être cet homme aux yeux sombres. L’ombre de l’élève s’étendait sur le corps du maître, qui se leva bientôt, s’avançant, déchirant de ses pas la distance que Deidara avait cru imposer en se redressant un instant auparavant. Une distance que l’Ioku, à peine sorti de la douce enfance, avait crue bon de dresser entre eux. Mais qui n’avait été qu’une invitation à la destruction, à la proximité. Et les doigts de son meilleur ami dessinaient désormais leurs marques dans la chevelure blonde de l’artiste. Les yeux bleus de Deidara ne cillèrent pas, effleurant de leur regard pénétrant les yeux de braise, sans pouvoir lire en eux. Sans pouvoir comprendre.

Lui était perdu. Un naufragé qui suivait une étoile filante dans l’espoir qu’elle le mènerait vers des terres moins hostiles. Mais qui n’obtenait qu’un nouveau naufrage, et un peu de poussière du firmament répandue entre ses doigts qui auraient tenté de saisir ce que nul homme ne peut tenir dans le creux de sa main. Et pourtant il continuait. A chaque scintillement dans le ciel noir de sa détresse, il s’obstinait à courir, dépérissant sous le feu de son espoir. Simple homme en lambeaux qui aurait tenté de marier le ciel à la mer, fondant les deux infinis dans un horizon de mille possibles. Il l’avait trouvé son étoile, et depuis il la suivait, tendant ses doigts d’enfants dans l’espoir de la saisir. Sans jamais pouvoir obtenir plus qu’un simple effleurement, qu’une simple lueur qui brillait pour lui et pour lui seul.
Itachi était inaccessible, mais toujours là au dessus de lui. Et bien qu’il se soit résigné à rester là, ne pouvant que contempler celui qui filait entre ses bras écartés, le frôlant pour mieux le fuir.

Alors que se passait-il ? Pourquoi le ciel descendait il jusqu’à la terre ? Pourquoi l’eau ne filait elle plus à travers ses doigts, mais stagnait contre sa peau, vibrant au rythme de son pou ? Le temps avait il suspendu sa course un court instant, pour que lui puisse enfin sentir contre lui ce qu’il avait désespérément recherché ?
Toujours plus près, c’était maintenant deux corps qui se frôlaient, épidermes insensibles au contact, alors que les pulsations du jeune homme s’accéléraient imperceptiblement.
Lui-même ne pouvait plus sourire. Il se contentait d’observer avec avidité ce regard qu’il aimait capter, accaparer dès qu’il le pouvait. Alors qu’il avait oscillé entre distance et contact, c’était Itachi qui avait brisé le trouble de son esprit. C’était ce meilleur ami et maître avec qui il ne savait jamais quelle attitude adopter, qui avait choisi pour lui. Ses sentiments s’effilochaient, sans qu’il ne puisse les retenir, se mouvant avec rapidité, évoluant, changeant, au gré de chacun des mouvements de son ami.

Mais déjà, ils prenaient une nouvelle facette. Un désir qu’il n’avait jamais ressenti avec tant d’ardeur. Et ce corps qui cette fois s’appuyait contre le sien, s’accordant si parfaitement avec lui. Le souffle chaud de son meilleur ami. Sa peau contre la sienne. Et le cœur de Deidara qui se débâtait à l’abri de sa chaude prison, cognant contre sa poitrine, à la rencontre de celui du Kanon. Sans bien savoir ce qu’il faisait, Deidara ferma un court instant les yeux, profitant de la chaleur de son ami, se collant contre Itachi qui avait refermé ses bras sur lui. Etait ce possible de revenir à l’instant présent, de briser ce court moment d’intimité…
Lui-même appuya sa joue tout contre celle de son ancien sensei, et ses bras effleurèrent un instant son corps avant de resserrer leur étreinte. C’était une amitié bien particulière, et si Deidara avait d’autres amis, il aurait pu comprendre qu’elle était différente de l’amitié que l’on retrouvait couramment dans ce monde. Bien plus passionnelle. Et parfois même plus douloureuse. Le souffle coupé durant un court instant, il était maintenant presque haletant.

- Itachi…

« Ne pars pas, ne me laisse jamais. Parce que sans toi je n’ai nulle raison de vivre, d’exister.
Et ne me laisse pas disparaître. Mon âme est mutilée à l’idée même de devoir un jour m’en aller, te laissant derrière moi. Mais comme un amant s’attache à sa promise, comme un enfant tient la main de sa mère je marche derrière toi, dans ton ombre. Si je pleure, serre-moi.
Si je suis seul, aime-moi. Si je pars, retiens-moi. Mais par pitié, ne me quitte pas.
J’implorerai mille démons, pour que mes chimères prennent corps. Je lacérerai ma chair en des lambeaux éparts pour couver la flamme de ton regard. Tous ces mots que jamais je n’aurai cru même connaître. Tous ces sentiments que même dans mes rêves je n’aurai cru pouvoir éprouver à nouveau, moi dont le cœur était plus aride que le désert le plus sec, plus malheureux qu’un condamné. Moi qui avais crucifié mon bonheur voilà bien longtemps, à même l’âme de mon père, et de mon enfance. Milles vies n’en valent pas une passée près de toi. Comment imaginer une existence entière sur cette terre sans ta présence, alors que je mourrais comme un homme à l’agoni, assoiffé de toi, de ta voix et de tes silences ? »

Il aurait pu lui dire je t’aime. Mais il aurait aussi pu s’écarter.
Il aurait pu étancher sa peine. Et cesser de désespérer. Mais il ne fit rien de cela. Il ne prononça pas ses mots qui volaient comme des oiseaux d’argiles dans le ciel nocturne de ses pensées furieuses. Deidara aurait pu l’aimer sans silence et sans regrets. Sans distance.
Il aurait pu lui avouer tout en cet instant. Alors que le vent étranglait sa voix. Il murmura les mots qu’il aurait aimé dire. Les souffla comme un cadeau à la brise. Mais n’haussa même pas la voix. Non, le jeune homme se contenta de reprendre la parole, et de dire d’autres mots que ceux que son cœur lui avait amené à lacher, sans qu’il ne puisse les retenir. Des mots qu’il oubliait déjà avoir ressenti.

- Merci.

Les mots s’étaient faits plus vides que son silence désormais.
C’était le temps où seuls les gestes et regards avaient vraiment une importance.
Le vent caressait sa joue, avec une douceur presque écœurante pour lui.
Deidara n’était pas habitué aux gestes attentionnés. Ni aux paroles réconfortantes.
Il se contentait d’une présence à ses cotés. D’un mot différent des autres, qu’il faisait alors rouler dans les tulmutes de son esprit, goûtant à sa saveur si sucré, à sa chaleur qui se diffusait alors dans chacun de ses membres. Cet instant semblait avoir figé le court du temps.
Le jeune homme souhaitait encore entendre le frappement sourd de ce cœur qu’il souhaitait accaparer. Ce souffle chaud de vie. Il voulait rester contre Itachi, collé à celui dont il avait tant besoin, comme un drogué ne souhaitant perdre la moindre miette de sa dose, Deidara tentait de graver en lui ce moment. Chacune des respirations de son meilleur ami, le contact qu’il avait eu avec sa peau. . .
Déjà tout était brisé. Le temps, le monde, ce silence, cette chaleur…

Itachi n’avait pas eu besoin de mots qui n’auraient servi à rien pour émouvoir le cœur du jeune homme. Il n’avait eu besoin que de son corps et de ses gestes.
Et soudain il se rassit. Le regard fatigué de Deidara passa sur lui, sans bien le pouvoir.
Cela avait été court, peut-être trop intense pour qu’il ne le supporte. Et déjà son monde se brisait devant ses yeux impuissants. L’illusion qu’il avait tissé, vulgaire chimère, larme d’encre sur un papier trop fin, était déchue. La rivière du temps avait retrouvé son lit, et diluait les lettres, déchirait le support en des lambeaux que Deidara ne souhaitait même plus retrouver, même plus rattraper. Cette sensation le laissait comme déchiqueté lui-même, vide.
C’est alors qu’une main se referma sur la sienne. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale, mais il ne cilla même pas. Sa tête se tourna lentement vers les doigts qui, avec douceur, enserraient les siens. Alors qu’un instant plus tôt, il croyait tout fini, il ressentit la fièvre s’emparer de lui. Son regard brilla un instant, et à son tour il espéra qu’Itachi ne s’en apercevrait pas. Avec une angoisse presque enfantine, il scruta le visage impassible de son compagnon qui alors, l’attira à lui.

C’est sans doute à cet instant qu’il commença à commettre ses premières erreurs.
Il avait étrangement chaud, et pouvait sentir que ses joues le cuisaient.
Deidara aurait du faire demi-tour tant qu’il le pouvait, éviter de souffrir comme il le faisait si bien. Mais il ne pouvait plus. Il le sût lorsqu’il se retrouva à nouveau contre Itachi.
Doucement, il s’installa contre lui, la tête contre son épaule, adossé à son torse.. Ses yeux ne le voyaient plus. Seul dominait l’horizon. La lumière.
Mais il ne pouvait pas s’arrêter là. . . Malgré son habituelle retenue, Deidara se redressa.
Une main appuyée contre l’épaule d’Itachi, il s’agenouilla rapidement, et plongea ses yeux si bleus dans le regard sombre de son meilleur ami. Meilleur ami … Il serait si simple de dire en trois mots pourquoi Deidara agit comme il allait le faire. Mais pas maintenant, n’est ce pas Ama ? Le regard furtif du jeune homme passa sur le regard de son ancien maître, de celui qu’il admirait tant. S’arrêta.

Alors qu’il aurait pu tout arrêter.
Alors peut-être qu’il aurait du cesser de se rapprocher toujours plus.
Alors qu’il marchait sereinement vers sa fin.
Les lèvres de Deidara effleurèrent celles d’Itachi.

ça

Pourquoi est ce que ça faisait aussi mal ?
C’était un plaisir brûlant, qui semblait lui déchirer les entrailles.
Comme si, inconsciemment, Deidara avait toujours attendu cet instant.
Le bonheur était peut-être trop fort pour être soutenable. Peut-être.
Deux hommes, qui semblent avoir oublié jusqu’au sens même du mot amour, réunis dans une même étreinte. De nouveau, sa main, posée sur l’épaule d’Itachi, pouvait sentir le pou profond de son ancien maître. Un discret salut à l’adresse de celui qui, plus audacieux que d’autres, s’approchait presque trop. C’était étrange. Il n’y avait plus de barrières. Pour la première fois depuis qu’il arpentait cette terre, Deidara oubliait son regard perpétuellement fuyant et froid, son corps qu’il maltraitait sans remords et qui s’échappait toujours, volatile farouche.
Peut-être ce baiser n’aurait il jamais de suite. Peut-être n’était ce qu’un acte qui n’aurait jamais d’impactes sur leur futur. Ensemble. Mais à vrai dire il espérait le contraire.

Certains actes du jeune homme étaient regrettables. Ainsi il avait tué son père. Un geste qui n’aurait pas du être. Cela avait marqué la fin de son enfance, de son innocence. Le début d’une errance durant laquelle il avait souffert. Le remord avait tenté de le frapper, rodant autour de ses pensées. Quel homme tuerait son père sans en éprouver le moindre chagrin ? Il s’était cru pareil à un monstre. Aujourd’hui tout était différent. Deidara s’était approché, simplement. Il avait baissé les bras, laissait tomber ses armes. Il avait eu peur. Peu que ce simple geste, qui avait un sens réel pour lui, ne fasse reculer Itachi qui s’était montré différent.
Son maître avait longtemps été insensible, distant. Deidara ne s’en était pas préoccupé. Il avait trouvé une personne à aimer, à admirer. Cela ne nécessitait pas pour autant une réponse à son affection. Il serait bien beau de dire qu’il n’avait jamais douté de son maître. Il s’était parfois senti seul. Mais alors qu’il changeait, qu’il calquait ses actes à ceux d’Itachi, Deidara avait commencé à le comprendre. Son meilleur ami lui avait plusieurs fois sauvé la vie, et l’élève avait alors cessé de douter.

En cet instant il n’y avait plus seulement de l’amitié pour le jeune Iyoku.
Il n’y avait que cette étrange fièvre qui faisait naître une sorte de chaleur au creux de son ventre. Cette envie si douloureuse qui l’avait poussé vers Itachi, et avait unis leurs lèvres.
Alors qu’il goutait les lèvres du jeune homme, l’une de ses mains passait sur la joue d’Itachi,
Presque indépendante, caressant cette peau que Deidara avait si longtemps contemplé de loin.
Juste, juste aujourd’hui, comble cette distance entre nous Itachi. Que mes regards ne se perdent pas sur ton dos, tes épaules. Et si c’est ce que tu veux, alors repars. Mais laisse moi, juste maintenant, sentir ta chaleur, ton corps si près du mien. Laisse-moi t’aimer juste un peu.
Puisque c’est tout ce qu’il me reste.

Il y avait toujours cette peur. Plus celle d’être rejeté désormais.
Mais que le temps ne souhaite plus les attendre. Que sa course reprenne et brise ce moment si précieux, si différent de toutes ces années écoulées aux cotés d’Itachi, à attendre, sans bien savoir quoi. Deidara était dans les bras de celui qu’il aimait. Il ne comprenait même pas ce sentiment, ne le reconnaissait pas. Mais il ne pouvait plus se contenter d’une amitié, aussi forte soit elle. Pas alors qu’il souffrait dès qu’Itachi était loin. Alors que ses pas le menaient toujours vers son cœur, mais aussi vers sa propre perte.

« Deidara eut l'intuition qu'il trouverait enfin Itachi. »
« Être en face d'Itachi lui faisait un certain effet, c'était vrai ... De là à dire qu'il désirait, ou même était attiré par son maître, il y avait heureusement plus qu'un pas. »
« Au lieu d’être un simple respect, il y avait une amitié forte entre eux. »
« Leurs liens se desserreraient, et lentement, ils deviendraient les ennemis qu’ils auraient du être, l’un étant Kanon, l’autre Iyoku. »
« Il lui crierait tout haut qu'il avait été fier de l'avoir pour maitre, heureux de l'avoir pour ami, comblé de l'avoir pour ... »
« Mais à tous manquaient cette petite chose si étrange qui faisait d’Itachi quelqu’un de si admirable aux yeux de Deidara. »
« Ignorant que leur relation deviendrait aussi forte. »
« Il avait voulu rester à ses cotés. Il aurait voulu rester toujours, mais il lui fallait partir souvent. »
« Le cœur de Deidara qui se débattait à l’abri de sa chaude prison, cognant contre sa poitrine, à la rencontre de celui du Kanon. »
« Itachi n’avait pas eu besoin de mots qui n’auraient servi à rien pour émouvoir le cœur du jeune homme. »
« Son maître avait longtemps été insensible, distant. »
« Ensemble. »

"- Itachi… "

« Deidara … »