» I don't care

Sa silhouette immobile était assise sur le palier d’une porte.
Ses yeux glacés étaient fixes, la neige se reflétant dans ses iris comme si elle tombait à l’intérieur de sa tête. De son âme. Les yeux sont les miroirs de l’âme n’est ce pas ?
Et bien cette dernière devait être bien lointaine en cet instant. Distante.
L’esprit tout entier du jeune homme était tourné vers son passé qui le submergeait sous une avalanche de souvenirs parfois douloureux. L’avenir de sa famille dont il était l’héritier reposant sur ses épaules d’adolescent. La tension qui régnait entre lui et son père.
La fragile entente qu’il tissait avec sa jeune sœur. Puis tout s’était écroulé.
Il voulait le pouvoir, il voulait se dépasser. Alors il avait annoncé son départ sur les routes.
Des parents qui s’opposent à sa décision … Et un combat. Un mort. Tout avait commencé à cet instant précis. Alors que dans ses oreilles résonnaient les cris de sa mère et de sa sœur, il se sentait étrangement silencieux. Calme, presque aussi paisible que le mort. Il était parti, sans un regard en arrière. Ni vers sa petite sœur qui le maudissait. Restant insensible aux sanglots empreints d’un début de folie de sa mère. Et une nouvelle vie avait débuté.
Il avait commencé à préparer de petits attentats pour se venger des villages, de son père qu’il haïssait. Tous avaient fonctionné. Il était repéré. Rapidement les Ryuuketsu se mirent à sa recherche. C’est un Kanon qui le trouva. Itachi. Même si Deidara devait appartenir au Iyoku, il devint son maître, et plus tard, son meilleur ami.

Regrettait-il son ancienne existence ? Que serait il devenu s’il était resté, fils ainé d’une petite famille du village d’Yuudachi ? Il avait travaillé si dur, sans jamais recevoir la fierté de son père . . . Peut-être serait il devenu chef. Le jeune homme était assis sur la maison d’été dans laquelle il avait passé des vacances heureuses. Les fenêtres étaient couvertes de poussière et fissurées par endroit. La maison était à l’abandon, comme chaque année en hiver. Mais depuis plus de temps . . . Peut-être sa mère était elle morte ? Et sa sœur ? Il ne savait pas.
Ce temps était révolu. Il avait brisé sa famille. Katsue le haïssait. Et il ne savait même pas si les deux derniers membres vivaient toujours. Sa sœur était plutôt douée, sans doute avait elle survécu. Mais sa mère . . . elle avait été choquée par la mort de son mari, détruite. Et par la disparition de son fils. Peu importait le passé désormais. Il ne pouvait pas revenir en arrière.

Enterrant ses souvenirs sous la neige de ce qui avait été sa prison de glace et de blizzard, le jeune homme fit demi-tour, sous la neige qui continuait de tomber, parsemant de flocons sa longue chevelure d’or. C’est alors qu’il les aperçut. Des marques de pas qui visiblement n’était pas les siennes. Quelqu’un était venu depuis son arrivé. Il n’était pas seul.

C'était Katsue. Elle était arrivée très peu de temps avant le garçon, était entrée, prudemment. Elle ne sentait pas le froid, mais alluma tout de même un feu dans la cheminée, comme avant. Elle s'assit dans un fauteuil, le fauteuil de son père. Elle avait l'impression qu'il allait entrer, la gronder un peu, pour la forme, elle n'avait pas à s'asseoir ici. Qu'ils allaient fixer le feu dansant dans l'âtre, que le paternel allait sourire, murmurer qu'elle contrôlerait le feu. Elle aussi sourirait, fière et heureuse, ne se doutant pas de ce qui allait se passer ans le futur.
Deux ans déjà, et ses souvenirs du "bon vieux temps", comme elle aimait se l'appeler, étaient toujours aussi net.

Son regard était perdu dans le vague, une tristesse discrète loger dans le turquoise de ses yeux. Plus rien ne serait jamais comme avant. Sa mère était folle, son père était mort, et elle ne vivait que pour tuer son frère qui avait détruit sa vie. Deidara, parti un beau jour, laissant derrière lui le cadavre du père de famille, sa mère en pleurs, sa soeur dévastée. Elle lui en voulait, Elle le détestait. Après ça ... C'était elle, elle seule qui dut tout refaire. Rebâtir quelque chose avec de la cendre. Organiser l'enterrement, rassurer sa mère quand elle faisait des cauchemars, se taire sur les siens. Oublier sa détresse et sa tristesse pour s'occuper de sa mère malade. Refouler ses sentiments. Elle n'avait pu que le haïr, lui, l'assassin, le briseur de vie.

Aujourd'hui, elle s'était rendue ici, comme tous les mois, se reccueillir (ça s'écrit comment ?), déverser sa tristesse, pleurer tranquillement, car ici était le seul endroit où elle pouvait se le permettre. Mais un bruit la fit sursauter, et l'arracha à la contemplation des flammes. Un bruit de pas, le crissement de la neige. Elle se leva prestement, s'approcha de la porte, observa discrètement à l'extérieur... Et resta glacée d'effroi.

Enfin. Enfin elle le retrouvait ! Enfin elle pourrait déverser sa haine sur lui ... Et elle n'attendrait pas plus longtemps. Elle ne voulait pas de discussion, seulement faire jaillir sa rage comme la lave d'un volcan trop longtemps resté éteint. (oh la belle image *o*). Elle se jeta, sans réfléchir, sur son frère, toute griffes dehors ... Au sens figuré. En fait, elle n'avait pas l'intention de mesurer ses forces avec celle de Deidy. Elle allait usé de sa spécialité... L'air. D'ailleurs .... Un courant d'air balaya l'endroit. Ses cheveux volèrent, emportés par ce courant glacial. Ses yeux étaient de la glace, pure.

"Meurs !"

Cet endroit ... Il ne faisait qu'accentuer sa haine.

"Tu as tout brisé. Moi, ma vie, notre mère. Mais je suppose que vous n'en avez rien à faire, toi et ta sale fierté." cracha-t-elle

Une tornade, minuscule bien sur, apparue devant le jeune homme. Elle la poussa vers lui. Elle s'acharnerait, jusqu'à ce qu'il n'y est plus un souffle de vie dans ce corps détesté.

.

C’était elle. Ce village comportait des centaines d’autres habitants.
Et c’était tombé sur elle. Elle seule qui venait en cette maison pour se rappeler les souvenirs que Deidara cherchait à enterrer définitivement dans un coin de sa mémoire. Les souvenirs d’une autre vie qui n’était plus la sienne. Lorsqu’elle s’avança vers lui, Deidara sentit une bourrasque souffler autour d’eux. Elle contrôlait donc toujours le vent …
Bien entendu. Elle n’avait pas changé autant que lui. Deidara contrôlait l’eau. Mais il ne l’utilisait plus. Il avait créé sa propre technique. Mélangeant du chakra à de l’argile il réussissait à produire des explosions. L’art est éphémère tout comme l’est l’explosion.
En posant son regard insensible dans les yeux glacés de sa sœur, il eut un petit sourire désabusé. Il ne voulait pas la tuer. Pas elle. Il était temps d’utiliser à nouveau son élément.

En un mouvement, un mur d’eau s’éleva face au vent. Un mouvement sec du jeune homme et elle se solidifia, formant une paroi de glace. C’était si simple d’éviter… Il laissa retomber la barrière qui se déversa dans la neige, redevenue liquide. Deidara écouta les accusations de sa sœur sans broncher. A vrai dire il ne s’y intéressait pas. Il savait parfaitement ce qu’il avait fait. Mais il ne voulait pas affronter sa sœur. Ni mourir à vrai dire. Il prit donc la parole, de sa voix rauque et pourtant si douce.

» Rentre chez ta mère Katsue.

Il avait bien dit, ta mère. En effet, il n’avait plus de famille. Plus de mère ni de père, plus de petite sœur. Il venait de les enterrer à jamais dans la neige glacée de ses souvenirs. Au-delà des frontières de sa mémoire. Il n’avait pas l’intention de la provoquer ou de la blesser. Il souhaitait repartir, pour ne plus la revoir, plus l’entendre. Comme si il était le seul rescapé d’une famille anéantie par un accident. Et pas comme s’il était le meurtrier de son père, celui ayant brisé la vie d’une mère si douce, et d’une petite sœur avec qui il avait des liens profonds, bien qu’invisibles.

Il avait été là pour la consoler lorsqu’elle avait peur. Là pour la tenir par la main quand elle marchait sur ses jambes de bébés encore vacillantes. Puis il avait cessé d’être là. Alors qu’il grandissait, et qu’on l’élevait vers la force et le pouvoir. Qu’on le modelait. Son père avait créé son meurtrier. Itachi l’avait remodelé. La solitude avait effacé son passé, et lui avait créé un futur. Sa vie n’était plus la même. Conscient que sa sœur chercherait à le tuer, il recula d’un pas vers l’arrière, ne la quittant pas des yeux. Il l'avait appelé Katsue, ce qu'il ne faisait jamais autrefois, se bornant à l'appeller Katsu'. , ou même Kat. Les temps avaient changé.

La jeune fille baissa la tête. Si il était encore son frère quelques secondes plus tôt, il avait définitivement perdu ce statut à ses yeux. Mais de toute façon ... Qui est-ce que ça gênerait ? Lui ne la considérait déjà plus comme une membre de sa famille. Elle n'avait plus rien à perdre. Marre de cette vie qu'elle passait à faire des choses "d'adultes". Elle était jeune pour endurer ça, trop jeune, et pas du tout préparée. Marre de cette haine qui la rongeait, il fallait qu'elle sorte. Marre de sa mère qui ne savait plus rien faire. Marre de ces souvenirs, marre de tout. Chacun de ses mots l'irritaient, la blessaient, profondément. Ta mère ... Katsue ...

"Ma mère, comme tu dis, a parfois du mal à me reconnaître. Et je n'ai pas envie de rentrer la voir... Pas tout de suite."

Elle avait une dernière chose à accomplir, avant ça. Une dernière chose à régler. Elle savait qu'elle perdrait le combat qui suivrait, mais elle s'en voudrait à jamais si elle passait à côté. Qu'il la tue ! Oui ... Si seulement il pouvait la tuer ! Elle était seule. Pas suicidaire, mais seule. Elle n'avait jamais pensé à s'ôter la vie, pourtant, elle s'en fichait de partir, si c'était après avoir tenter sa chance. Son élément de prédilection n'avait aucun effet sur son ennemi... Il ne lui restait plus que le corps à corps ... Elle était encore plus sure d'essuyer une lourde défaite.
.

"Prépares toi ... Et ne m'épargnes pas, cette fois. Je te hais, tu ne t'imagines même pas à quel point. Alors si tu décides de ne pas me tuer ... Fais le quand même, je ne veux pas de ta sale pitié."

Katsue leva la tête. Son visage était froid, sans expression. Ses yeux pleuraient presque, de rage et de tristesse, bien malgré elle.

Ne coulez pas, larmes de malheur ! Laissez moi donc tranquille, un seul jour dans ma vie. Le dernier.

Elle se précipita sur Deidara. Souple, d'une agilité exceptionelle, rapide comme le cyclone qu'elle était devenue. Elle bondit s'accrocha à ce jeune homme qui fut son frère, frappa, déversa sa colère, griffa, pleurait comme la stupide gamine qu'elle était. Une pluie de coups s'abattit sur le garçon, pluie qui ne semblait vouloir jamais s'arrêter.

...

Comme à son habitude il restait insensible à son désespoir. Insensible à ses yeux qui brillaient.
Regard de ciel dans mer déchainée.
Les yeux bleus de sa petite sœur, fixant les siens d’un coup d’œil embué, alors qu’il se contentait de se tenir debout, près à partir, l’air impassible, et la mine glaciale.
Qu’elle hurle. Qu’elle souffre. Mais qu’elle le laisse disparaître de sa vie, à tout jamais cette fois. Deidara ne l’avait pas tué ce jour là. Pourquoi voulait-elle qu’il le fasse aujourd’hui ?
Il était entrainé pour détruire les vies et non pas pour épargner. S’il se battait, il pouvait la tuer sans même s’en rendre compte. Alors qu’il ne le voulait pas. Seul celui qui avait dressé des entraves autour des épaules de l’Iyoku avait du payer. Sa sœur elle, l’avait soutenu, aimé dans l’ombre, mais aimé tout de même. Et dans un monde où la solitude règne en reine, il avait été bon d’avoir une petite sœur comme cela. Qui n’aurait pas reconnu en Katsue son frère ainé ? Qu’elle le veuille ou non, ils se ressemblaient. Par le cœur autant que par l’apparence.
Cette soif de vengeance, ces sentiments qui semblaient prêt à déborder chaque fois.
Leurs longues chevelures d’or et leurs yeux d’un bleu de ciel.
Alors jamais il ne détruirait cette unique créature en laquelle il vivait toujours. En laquelle le Deidara du village d’Yuudachi était toujours présent. Ce jeune homme qui aurait pu devenir le chef s’il avait suivi son père aveuglément.

- Je n’ai pas de temps à perdre… marmonna il d’un air agacé.

Il ne voulait pas combattre. Elle voulait le tuer.
A lui d’éviter autant que possible chacun des coups, et s’il pouvait, de fuir.
On aurait pu le croire lâche. Mais il ne l’était pas. Il ne souhaitait pas que sa petite sœur connaisse une fin tragique. Il préférait qu’elle oublie. Il avait détruit sa famille.
Il refusait de détruire également son existence entière. Lorsqu’elle bondit il esquiva.
Mais rapidement il se rendit compte qu’il ne pouvait pas éviter chacun des coups de sa sœur, coups qui s’enchainaient à une vitesse folle.
Deidara saisit donc le poignet de sa sœur lorsqu’il passa, puis pivotant sur ses hanches, envoyant son pied frapper le ventre de la jeune fille, pour la repousser.

- Je t’ai dit de rentrer idiote.

C'était un orage qui grondait dans le cerveau de Katsue. Une tornade qui éparpillait ses pensées dans tous les coins de sa tête. Idiote elle ? Pas autant qu'il n'était un salaud. Un salaud de frère qui l'avait abandonné. Il ne voulait pas se battre ? Tant pis pour lui. Elle frapperait quand même. Plus fort, puisque visiblement, ses précédents coups n'avaient pas eu beaucoup d'efficacité. Contrairement à celui de Deidara. Deidara qui avait gagné en puissance, en technique. Elle avait mal. Mais qu'était la douleur physique face à celle morale ? Rien du tout. Elle ne sentait rien, ivre de sa rage. Elle n’était cependant pas invincible, elle tomberait à un moment ou à un autre, si il frappait encore, mais il n’avait pas l’air de vouloir le faire. Impassible, glacial … Il ne semblait rien ressentir. Ni douleur physique, ni douleur morale. Il n’avait pas le droit ! Il devait souffrir !
Et puis lui dire de rentrer… Comment s’imaginer qu’elle retrouverait ce qu’il avait brisé ? Comment croire que tout était encore pareil ?
Une pause dans les coups, un soupir, une question :

« Pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Pas nous. Juste moi. Cette question n’englobait pas sa mère, encore moins son village. Juste une jeune fille trahie, qui, même après ce temps, ne parvenait pas à comprendre. Ses bras retombèrent le long de son corps, un court instant. Répondrait-il ? Avait-elle seulement envie de connaître sa réponse ? Non. Elle avait trop peur du mal que ça pouvait encore lui faire. Alors elle se remit à frapper. De toute ses forces, bien plus fort qu’avant. La plupart des coups n’atteignaient pas leur cible, mais elle continuait. Peut-être avait-elle simplement besoin de frapper. N’importe quoi. N’importe qui. Mais si c’était lui, c’était mieux. De plus, chacun de ses mots l’exaspéraient un peu plus.

« Je t’aimais, j’avais confiance en toi. »

Un murmure. Katsue ne savait pas si il entendrait, elle n’était pas sûre de vouloir qu’il comprenne. Emportés par le vent, ses mots se perdirent, douloureux aveux.

Des coups.
Encore et toujours.
Rapidement, le jeune homme passa le dos de sa main contre ses lèvres ensanglantées.
Qu'était ce que cette souffrance ? Il avait bien plus souffert autrefois.
Un poids invisible sur ses épaules. Un destin tracé par d'autres pas que les siens, dans la poussière de sa solitude. Il le disait souvent. Deidara avait fait des choix. Mais pas celui là.
Il n'avait pas choisi de devenir un meurtrier. Peut-être avait il toujours était destiné à l'être.
Ou peut-être que l'humiliation, les coups, les colères de son père, avaient donné naissance à celui qui mettrait fin à la vie de son propre géniteur, de son torsionnaire.

Deidara poussa un soupir, se mouvant avec une souplesse certaine pour éviter les coups qui pleuvaient sur lui. La question de sa soeur l'atteignit plus que ces attaques qui faisaient couler le sang de sa bouche, de son visage si pâle. Malgré son apparence glaciale, désintéressée des autres, Deidara n'était pas insensible. Il s'emportait plus facilement que beaucoup d'autres humains, et savait aussi ressentir des sentiments plus doux. Plus douloureux. La tristesse le tirailla un instant. Durant si peu de temps . . . Déjà il s'était repris. Est ce que tu n'aimais pas ta petite soeur au fond Deidara ? Un peu au moins ?

C'était terminé. Il avait tenté de l'effacer, il avait même réussi. Et il avait fallu qu'il revienne. Elle était là. Comme la gardienne de son au delà, prête à le conduire dans ses bras d'enfants vers l'enfer le plus sombre. Un enfer plus noir que celui dans lequel il passait sa vie. Il ne l'avait pas abandonné. Il avait fait bien mieux. Il l'avait sorti à tout jamais de sa vie. Comme si le Deidara qu'il était n'avait jamais eu de petite soeur.
Pas de Katsue. Ni famille ni attache. Comme s'il avait toujours été ce vagabond qui n'aimait personne d'autre que son maître et son élève.

- Je t'avais effacé . . .

C'était un murmure. Un murmure comme celui que le vent lui apporta, dans le même temps qu'un chapelet de coups. Pourtant il se contentait d'esquiver. Son pieds heurta la neige alors qu'il se baissait. Les flocons voltigèrent un peu plus. Un oiseau prit son envol, sous les cristaux infiniment purs, immaculés.
Une explosion retentit. La neige sembla éclater, le sol trembla. Cela ne suffirait ni à la blesser grièvement ni à la tuer. Cela lui permettrait simplement de s'éloigner.

- Oublie moi .

Il ne lui dirait pas. Jamais il ne lui dirait qu'il l'avait aimé avant de parvenir à noyer son image et son reflet. Il préférait exciter sa haine avant de disparaître. Pour qu'elle même n'espère plus le retrouver. Déjà la neige se dissipait. Deidara devait disparaître. Dans le brouillard. Mais n'était ce pas déjà trop tard ?

J'ai pas pu résister :

Mon frère - Les dix commandements

La détresse s'empara peu à peu de la jeune fille. La douleur s'empara de ses bras qu'elle laissa tomber le long de son corps alors que retentissait l'explosion. Il n'avait pas le droit de fuir. De partir encore. De la laisser à nouveau. Et elle ... Elle ne pourrait l'oublier, s'enfoncer à nouveau dans sa routine qui la détruisait tant, alors que le moyen de régler cette affaire était passé si près d'elle. Brouillard. C'était fini. Katsue tomba à genou, ses jambes tremblantes refusaient de la porter encore.

"NON !"

Non. Ne pars plus. Mon frère ... Ses yeux s'embuèrent. Oh, et puis tant pis si elle pleurait. Tant pis si elle se montrait faible devant se fantôme éphémère. Il partirait de toute façon. Assez de cette force qu'elle simulait chaque jour. Bientôt, elle serait seule au milieu de cette étendu glacée. Glacé, autant que le coeur de Déidara semblait l’être.

Bien plus qu'un monde qui s'ouvre à l'un et pour l'autre chavire
Bien plus qu'une mer qui supplie quand la source est tarie
C'est tout notre amour qui s'éloigne des rives et se perd
Mon frère

Déidara …. Déidara ! Reste là. Reste près de moi. Aide-moi. Aime-moi. Comme la sœur que je ne suis plus. Accepte-moi. Juste une seconde, juste assez de temps pour que je puisse avoir encore l’illusion d’avoir une famille. Juste pour que je puisse encore tenir. Déidara… Ne pars plus. Cesse de brûler mes ailes, cesse de vouloir m’écarter de ta vie, de vouloir t’écarter de la mienne. Tu le sais. Tu le sais que jamais nos souvenirs s’estomperont. Notre sang nous unit, tu ne pourras jamais rien n’y faire. J’ai vécu dans ton ombre, et à présent je ne vis plus pour personne. Laisse-moi vivre pour toi. Juste un instant.

Bien sûr que la terre est brûlée quand la pluie l'oublie
Bien sûr que tout est cri puisqu'on n’se l'est jamais dit
Bien sûr l'amour puisqu'il ne peut plus grandir s'enterre,
Mon frère.

Katsue se leva, calmement. Son cœur en lambeau la faisait tant souffrir. Elle s’approcha du brouillard qui se dissipait lentement. Son pas mal assuré, inquiet, lui donnait un air de gamine affaibli. Elle était en effet épuisée. Epuisée de tant d’efforts vains. Mais pas blessée. Il ne lui avait rien fait, il l’avait seulement éloignée, repoussée. Mais peut-être la jeune fille aurait-elle préféré souffrir physiquement, car cette douleur ne pouvait qu’occulter celle morale.

" Reste. "

Murmure. Tellement plein de sa tristesse, de ses derniers espoirs. Tremblant. Une prière.

* écoute en boucle *

« Je suis tellement désolé . . .
Oh, petite soeur . . . Je t'aimais tellement.
Tu étais l'unique lumière dans ma vie à cette époque.
Je ne l'oublierai jamais tu sais. Et tant, tant de mots que je ne dirai pas.
Et tant, tant de choses que j'aurai aimé te souffler.
Et tant, tant de larmes que je ne verserai pas.
Oh, Petite soeur . . . comme j'aimerai recommencer.
Effacer . . . Non.
Mon présent n'est que le fruit de mon passé, nous le savons tous Katsue.
J'avais une vie que j'ai brisé, de mes mains, de mes propres mains, phalanges raidies,
j'ai tout détruit, tout annihilé.
Pardonne moi Katsue.

Pourquoi la vie me tiraille elle ainsi en cet instant.
Pourquoi j'ai tant envie de mourir alors que tes yeux me fusillent dans le dos.
Le sang coule de mes lèvres que tu as lacérées à ton tour, de tes coups si bien placés.
Itachi . . . Il n'y avait que toi, toujours. J'avais effacé mon passé, pour partager ton futur, un avenir que je voulais plus que tout. Est ce que j'aurai le courage au fond, de rester ?
J'aimerai qu'elle me tue. Tout serait enfin terminé.
Pourquoi rien n'est simple ? Pourquoi depuis toujours ?
J'aimerai tout effacé Katsue. Que tu m'oublies à tout jamais, que tu vives ta vie.
Je le savais pourtant. J'ai fait couler son sang devant tes yeux d'enfant. J'ai ouvert sa poitrine. Déchiré son coeur des dents de mon amertume.

Et maintenant, tu veux me tuer ?
Ou veux tu que je restes ?
Pourquoi, es tu si indécise ?
Tues moi . . . »

Lentement, en entendant son cri, il se figea.
Les pas de Deidara cessèrent de s'inscrire dans la neige. Et lentement, il fit demi-tour, vers son passé, vers sa petite soeur.
L'éphémère pouvait il devenir éternité ?
Jamais.
Elle avançait, vers lui, son pas titubant brisant la neige qui s'était accumulée au gré du vent. Doucement, il s'arrêta devant elle.

- Katsue . . .

Il l'obligerait. A tout faire s'arrêter. Parce qu'au fond peut-être le souhaitait il en venant ainsi sur les ruines de sa vie passée. Peut-être . . .

- J'ai brisé ta vie. Rien ne recommencera comme avant.

Il attiserait les cendres de son passé. Braise puis brasier.
Que la souffrance fuse dans ses veines. Que la haine brûle son amour.

- J'ai tué ton père. Alors tues moi.

[Mais maintenant, Katsue, elle peut plus te tuer, puis t'aimer, sans passer pour une tarée ... Bon, tant pis.]

Le tuer ? Elle l’avait imaginé tant de fois, rêvé tant de nuit. Elle s’était raccrochée à cette idée pour tenir. Le tuer un jour, se venger. Alors pourquoi hésitait-elle autant ? Quelle était cette sensation au fond de son cœur ? Pourquoi était-il si dur de faire un seul mouvement ? Katsue ne comprenait plus rien. Que faisait-il ? Changer d’avis, comme ça, aussi rapidement … Mais sur ce point de vue, elle n’était pas beaucoup mieux que lui.

Pourtant elle finirait par regretter si elle n’accomplissait pas sa pseudo volonté. Elle l’avait tant voulu … Elle ne pouvait laisser échapper cette occasion … C’était trop beau. La jeune fille essaya de mettre de l’ordre dans ses pensées. Il avouait enfin ce qu’il avait fait. De plus, c’était lui qui voulait qu’elle le tue. Katsue savait qu’elle risquait d’avoir des ennuis : Deidara devait être respecté, aimer peut être. Mais elle n’en avait rien à faire. Plus elle y réfléchissait, plus elle se persuadait qu’il n’y avait plus aucune place pour elle dans la vie de son frère.

Alors elle disparut dans la maison de vacances. Profiterait-il de cet instant pour partir ? Sans aucun doute. Sauf si il pensait vraiment ce qu’il avait dit. La jeune fille attrapa un couteau dans la cuisine, couteau qu’elle examina longuement. Elle n’était pas vraiment habile en maniement d’arme, surtout pas si l’arme en question était un simple couteau. Mais il était tranchant, ça suffirait. Tremblante, elle rejoignit l’extérieur.

Il était là. Encore et toujours. Il ne s’était pas enfui, contrairement aux certitudes de Katsue. Le tuer, était-ce la bonne solution. Si c’était lui qui le demandait, comment lui refuser ? Et puis … Elle s’était toujours tant convaincu du bienfait d’une vengeance.

- J’ai tué ton père. Alors tues moi.

C’était si facile à dire. Tellement plus dur à accomplir.

Katsue avait des connaissances. Anatomie … Elle savait. Où frapper pour que ça fasse mal. Où poignarder pour que ça tue. A condition bien sur que la faculté de penser n’ait pas été occulté par la rage. Elle s’approcha, hésitante.

« Deidara. »

Quelques pas du plus, elle fut bientôt à un souffle de lui.

« Mon frère »

La lame trancha l’air, trancha la chair du jeune homme. Katsue espérait ne pas s’être trompé… Il fallait …. Il fallait …. Qu’il survive.
Pourquoi le tuer, puisque ça ne ramènerait pas son père ? Le sang se mit à couler sur la main de la jeune fille. Il ne mourrait pas. Pas si elle s’occupait de lui, pas si elle le soignait…

Mais l’hésitation était toujours aussi présente. Que faire ? Elle n’avait pas tellement de temps pour réfléchir plus. Elle sentit le corps tomber (enfin, j’suppose que ce serait assez dur pour lui de rester debout … Si c’est pas bien, ben tu fais pas attention et j’éditerai.). La Yuudachi accompagna la chute de son frère. A genoux, près de lui, elle pleurait. Pourquoi tout était-il si dur ? Elle attendait un signe, qui l'éclairerait sur ce qu'elle devait faire. Elle était perdue.

Elle avait disparu un instant de son champ de vision.
Le jeune homme voyait flou, les flocons de neige s’accrochaient à ses longs cils.
Sans bien savoir pourquoi, il se sentait déjà terriblement fatigué. La neige avait toujours eu sur lui comme un effet apaisant. Lorsqu’il pleurait, les larmes qui gelaient sur ses joues cessaient alors de couler. Un flocon s’accrocha à sa peau, fondant au contact de la chaleur de sa chair. Larme de neige, larme du ciel qui déjà se lamentait, en une plainte silencieuse.
Depuis sa naissance, Deidara avait contemplé ce ciel gris, chargé d’une neige poudreuse qui crissait sous chacun de ses pas. Alors qu’il n’était encore qu’un enfant, il avait souvent enseveli sa peine dans ce paysage vide, perdu dans un cocon de blancheur presque aveuglante.
Ses yeux bleus, si sensibles à la luminosité, s’étaient chaque fois plissés pour continuer leur contemplation. Plus jeune, l’Iyoku avait été un enfant malheureux. Mais aussi terriblement renfermé. Jamais il ne s’était confié. Jamais il n’avait offert sa confiance. Sa sœur elle-même l’avait regardé grandir de loin. Toujours, il avait imposé une distance entre lui et les autres.

Car il était différent. On avait placé sur ses épaules le destin de sa petite famille.
Pourquoi ? Parce qu’il était l’ainé ? C’était probable, mais il n’avait jamais voulu comprendre les espoirs de son père. Les fées lui avaient tourné le dos dès sa naissance.
C’est ce qu’il avait décidé, et sa vie s’était étirée, chaque jour plus triste, plus sombre.
Son cœur s’était endurci au fil des jours, des privations, et des douleurs.
Chaque blâme avait contribué à le rendre plus mauvais, plus fourbe que jamais.
Il avait grandi avec pour seul but de briser tout lien avec ceux qui le retenaient dans l’ombre, les ténèbres. Ceux qui l’enfermaient dans les tréfonds de son cœur, qui l’effrayaient tant.
Et tout s’était terminé dans le sang sombre de son père.
Non.

En vérité rien n’avait été accompli.
La seule engeance à exterminer, c’était lui, Deidara. Assassin de son propre père, et de tant d’innocents. Pour protéger son bonheur, sa liberté.
Pour vivre…

Le vent siffla à ses oreilles, se fendant sous la course de l’arme.
Il y eut un éclair de douleur. Toujours il avait résisté sous la douleur.
« Qu’importe que le vent hurle, la montagne, jamais ne ploie devant lui »
Mais cette fois il n’était plus rien que poussière. Montagne autrefois, aujourd’hui néant.
Il ne ploierait pas. Aujourd’hui, il se briserait.
La lame traça une ligne de feu dans sa chair. Le sang s’écoula de la plaie.
Durant un court instant, il resta debout, sa main tremblante se dirigeant vers sa blessure. Alors que le bout de ses doigts allait enfin effleurer le sang, il tomba, ses jambes ne pouvant plus le soutenir. Et enfin il ne fut plus sourd à sa souffrance. Au lieu d’assouvir sa morbide curiosité en pressant ses paumes contre la source de sa douleur, Deidara, les yeux mi clos, jeta un regard vers sa petite sœur qui pleurait.

- Petite sœur…

Un léger sourire passa sur ses lèvres tuméfiées, au coin desquelles perçait une goutte écarlate.
Il aurait réécrit son nom au plus profond de son esprit. Deidara tendit alors la main vers Katsue, ses doigts espérant atteindre la joue de la jeune fille. Mais bientôt, son bras retomba au sol, contre la neige. Il frissonna, glacé. Son esprit vogua un instant vers son meilleur ami qu’il ne reverrait sans doute plus, avant que sa conscience ne soit soufflé, comme une vulguaire chandelle.

Le noir.

La main de Katsue effleura celle de Deidara, hésitante, avant de l'attraper. Son frère inconscient n'y verrait de toute façon pas d'inconvénient. Les larmes coulant à flots sur ses joues rosies par le froid mordant s’écrasaient une à une sur le corps allongé. La neige tout autour se maculait peu à peu du sang qui se déversait. La jeune fille semblait tétanisée. Incapable du moindre geste, elle restait là, à contempler son œuvre. Le vent se leva, soufflant en bourrasque sur le frère et la sœur. La neige s’éleva autour d’eux, fouettant le visage de Katsue Elle se mit à trembler, sous l’air glacial. Comme activés par ce soudain changement, ses sanglots se déclenchèrent. Les épaules agitées de soubresauts, la jeune fille pleurait. Comme jamais elle n’avait pleuré. Sauf une fois. Une seule fois. Il y a deux ans, quand son père avait expiré pour la dernière fois. Katsue posa sa tête sur la poitrine de son frère.

Dans son regard brillait la tristesse.
Dans son cœur brûlait la douleur.

« Deidara… Réveille toi… Grand frère !! »

La jeune n’esquissa plus un seul geste. Elle pouvait peut être le soigner, mais elle restait là, immobile dans son chagrin. Elle venait de blesser à mort le dernier membre de sa famille qui pouvait un jour la refaire sourire sincèrement. Elle venait de détruire sa propre vie, et c’était bien pire que ce qu’avait fait Deidara. Cette fois, c’était finit. En admettant que le garçon survive : il ne pardonnerait jamais à sa sœur, de même qu’elle n’avait jamais pu lui pardonner la mort de leur père. Son geste n’était que pure impulsivité. Sa haine n’était là que pour occulter ses sentiments les plus profonds, pour que la souffrance s’apaise. Mais maintenant, elle n’avait plus qu’elle-même à haïr. Elle avait été idiote. Se venger n’avait servi à rien, s’accrocher non plus : renouer avec son frère était devenu impossible le jour où il avait franchit le seuil de la porte. Alors qu’aurait-elle du faire ? Oublier ? Non, ça n’était pas dans ses capacités. Sombrer dans la folie, comme sa mère ? Trop facile.

Il n’y avait jamais eu aucune issue.

Katsue se redressa. Sa main tenait toujours celle de son frère.

« Je suis désolée… Deidara. Je t’en ai tant voulue de m’avoir abandonnée… Mais je t’aime. Plus que tout à présent. »

La jeune fille sentit une présence. Elle leva la tête et observa l’horizon. Au loin se dessinait la silhouette d’un homme qu’elle suivit du regard… Avant de fixer à nouveau son frère.

[Court ... Vraiment court ...]

Découvrez Linkin Park!

meilleur

« Deidara ... Pardonne moi ... Je t’en supplie, pardonne moi ... »

« Deidara ... Je ... »

« S’il te plait ... Pas encore ... Laisse moi encore du temps, laisse moi te le dire ... »

« Je te sauverais Deidara. Oui, je m’abandonnerais pour toi, je resterais avec toi, je t’aiderais, je me tuerais même pour toi ... »

« Parce que je t’aime. »

« Je tiens tellement à toi, Deidara ... »

Un frisson fit trembler le corps inconscient du jeune homme.
Deidara ne sentait pas contre sa main, la peau chaude de sa petite sœur.
Jamais il n’entendrait les mots qu’elle soufflait, gémissait presque, au creux de son oreille.
Son esprit aurait il été éveillé que le vent aurait gobé ces paroles, qui n’avait plus de sens pour Deidara. C’était si simple de se l’avouer. Et si difficile à croire réellement.
Le jeune homme ne savait plus aimer… C’était ce qu’il s’était borné à croire.
La neige bleuissait ses lèvres désormais glacés. Deidara n’était pas de ces étoiles qui brillent dans le firmament, immobiles, réchauffant de leurs lumières lointaines les regards de ceux qui posent leurs yeux sur elles, chaque nuit. Il n’était qu’une étoile filante, qui tombait et tombait sans relâche. Mais sans qu’il le sache, une présence, une chaleur, vint interrompre la parabole si parfaite de sa chute. Pourtant, sous les paupières étroitement serrées du jeune pilleur, seul le noir régnait en maître. Il avait appelé la mort. En parlant, il avait souhaité que ses lèvres se scellent ensuite pour l’éternité. En saignant, il avait caressé la larme pourpre qui perlait de sa blessure. Pour que jamais, jamais la vie ne coule à nouveau de ce corps qui s’étendait dans la neige, immobile, la poitrine se soulevant avec efforts. Au dessus de lui s’étendait l’ombre.
Dans son cœur s’étendait un gouffre béant, plus profond encore que la plaie qui le tuait si doucement. Son âme elle-même baignait dans la nuit. Alors que quelques jours plus tôt il avait été plus vivant que jamais, les sensations s’envolaient dans le blizzard. Seule restait la faucheuse, qui marchait pas à pas vers lui, effleurant la neige sans jamais laisser de traces.
Il aurait aimé le regarder en face ce regard d’outre-tombe, ce visage terne, ce sourire mélancolique. Une expression comme il l’avait si souvent imaginé sur cette peau distendue par l’âge et la détresse du monde. Mais il n’était plus rien qu’un corps, un amas de chairs blessées, sur lequel s’étendait une ombre. Sans savoir qu’au dessus de lui, un homme tourmenté par la vue de son état s’agenouillait à ses côtés. Non, Deidara ignorait jusqu’aux états d’âme d’Itachi. Dans la pénombre qui obscurcissait toutes pensées, il ne pouvait savoir que son meilleur ami tenterait de lui sauver la vie. S’il avait cru que son ancien maître viendrait le trouver jusqu’ici, alors qu’aurait-il pensé ? Aurait-il décidé de s’échapper ?
Ou aurait-il malgré tout prononcé les mots qu’il avait dits ? Tues moi.
Au dessus de sa plaie, une énergie crépita. Les pensées de Deidara sombraient toujours, s’enfonçant un peu plus loin dans les ténèbres. Jusqu’aux méandres obscures de son passé, passé qui le tourmentait tant.

Il y avait Katsue. Cette petite fille qui l’observait de la fenêtre.
Et lui s’échappait, à travers les arbres, qui se dressaient face au crépuscule, sombres silhouettes dégingandées, étirées à travers la brume du soir. Un homme marchait devant lui.
Mais Deidara ne le regardait pas. Ses yeux bleus étaient posés sur le sol craquelé par le gibre.
Il ne souhaitait pas observer ce dos droit, cette nuque raide. Ces longs cheveux d’or si semblables au sien. Ne sachant plus où poser son regard, Deidara tourna la tête vers la maison. Et il l’aperçut. Immobile, sa petite sœur qui le regardait s’éloigner, de l’une des fenêtres de leur maison. C’était le même paysage. Cette vallée traversée par des vents qui ébranlaient les planches de la maison, la faisant trembler jusqu’aux fondations.
Un sourire passa sur les lèvres du jeune garçon. Il accéléra l’allure, trouvant la force de marcher au coté de l’homme qui l’élevait. Ils partaient. Pour un entrainement, long et fastidieux. Jamais ce jour là, Deidara ne s’était imaginé qu’il ne reviendrait jamais identique de ce voyage.
Plus totalement lui-même.
Plus totalement innocent.
Plus réellement inconscient.
Brisé.

Brisé comme l’était son esprit en cet instant. Une bourrasque balaya son songe comme celle qui caressa sa chevelure tachée de neige et de sang. Déjà Itachi le soulevait dans ses bras, l’enveloppant dans une étoffe qui déjà réchauffait sa chair malmenée par les coups et ce vent si glacial. Pouvait-il réellement imaginer les pensées de celui qu’il avait cru connaître ?
Avait cru.
Deidara avait il totalement oublié celui qu’il avait aimé alors que ses lèvres gercées se souvenaient de la chaleur de celles d’Itachi. Alors que son corps se rappelait le contact de celui d’Itachi ? Dans un instant de détresse, de trouble, le jeune Iyoku, si impulsif, s’était laissé aller dans une unique étreinte. Celle que lui avait offert la mort.
Peut-être souffrait-il de cette distance. Peut être ne souhaitait il que poser un nom sur ce qu’il éprouvait. Mais il n’y arrivait pas. Il avait pourtant cru le savoir, lorsqu’il s’était avancé.
Il avait cru savoir aimer à nouveau. Mais, sans même penser à celui qui hantait son cœur, celui qui faisait sa pluie et son soleil, il s’était offert en pénultième sacrifice, à celle qui guette la moindre faiblesse des hommes. Ignorant la marche douloureuse d’Itachi, le corps de Deidara retrouvait peu à peu de la force. Ses joues qui étaient devenus livides retrouvèrent un peu de couleur, malgré le vent qui giflait toujours son visage exposé au tumulte des éléments.

Le vent cessa. Le cri qu’avait poussé Itachi un peu avant n’effleura même pas sa conscience, n’ébranla pas la nuit. Il fut installé, sa tête reposant contre les jambes étendues de celui qui, pour lui, avait laissé filer toute son énergie, toute sa force. De celui qui se laissait emporter par la fièvre. Les cheveux blonds de Deidara, libre de toute attache, était éparpillé sur les genoux d’Itachi.

S'il te plait prends ma main
Ne te fais plus attendre
Il est temps de s'étreindre
De s'éteindre

Itachi . . .
La lumière s’infiltra par la brèche qu’ouvrit ce nom.
La nuit sembla se recroqueviller.
Se dissoudre dans les lettres de ce mot.
Itachi…

Les guerriers de la route avaient pourtant prédit
La mort ou la naissance
Ca dépend du cœur
Au soleil qui s'incline
Allez finissons en
Et laissons s'accomplir le firmament

Lentement, Deidara ouvrit les yeux. Tout semblait flou.
Une brusque douleur dans son flanc rétablit l’ordre dans son regard.
Ses prunelles de ciel d’après la pluie pivotèrent. Et il l’apperçut.
Il ne pouvait se plonger dans ce regard qui ne le voyait pas. Itachi avait les yeux fermés, et sur son front roulaient des gouttes de sueur. Inquiet, et ne comprenant pas ce que pouvait faire son maître ici, Deidara se dressa sur les coudes. Ne ressentant pas une douleur déchirante, plus forte que celle qui se diffusait dans son corps depuis son réveil, il souleva la robe de son maître, puis la sienne. Sur son flanc, seule trace de la blessure qui avait failli l’emporter, courait une cicatrice blanche, et une fine rayure sanglante. Son maître l’avait sauvé …
Cette certitude poussa son regard épuisé à revenir sur le visage contracté d’Itachi.
S’agenouillant avec précaution, Deidara porta une main à la source de sa souffrance.
De l’autre, il écarta une mèche de cheveux du visage de son ami.
Son cœur se serra. Il avait été égoïste. Stupide.
Le jeune homme se sentait faible. Mais il n’en avait rien à faire. Itachi semblait souffrant. Seul Deidara avait le droit d’aller mal. Mais son ami lui, n’avait pas le droit d’être malheureux, n’avait pas le droit de mourir, de se blesser ou de tomber malade.
Il ne pourrait pas rester en vie, sans contempler les traits d’Itachi, sans entendre sa voix, sans se perdre dans l’écoute de ses silences.
Deidara vivait pour Itachi. Mais cela ne lui avait pas suffit.
Une raison de vivre n’avait pas suffit pour qu’il chasse la mort. Meilleur ami…
Un titre qu’il n’avait jamais donné.
« Deidara, tu ne sais pas aimer ? »
Le jeune homme secoua la tête. Une fois de plus son passé tentait de le submerger.
Mais il garderait la tête hors de l’eau, au moins cette fois. Pour Itachi.
Le seul.
Celui qui lui avait tout apprit.
Même l’amour.
Car il l’aimait. Cette évidence s’imposait à son esprit. Il la chassa.
Doucement, l’iyoku chassa la sueur du front d’Itachi, reposant la robe sur les épaules de celui qui une fois de plus l’avait sauvé, pas seulement de la mort mais aussi du désespoir.
Caressant son visage, il le dévisagea en silence, cherchant à marquer chacun des traits de son ami jusqu’au fin fond de sa mémoire.

- Réveille toi je t’en supplie . . .

Sa voix était rauque. Echo de la douleur qui lui déchirait les entrailles. Reflet de la terreur qui l’habitait en voyant son ami immobile.

J'aurais aimé t'aimer
Comme on aime le soleil
Te dire que le monde est beau
Que c'est beau d'aimer
J'aurais aimer t'écrire
Le plus beau des poèmes
Et construire un empire
Juste pour ton sourire
Devenir le soleil
Pour sécher tes sanglots
Et faire battre le ciel
Pour un futur plus beau
Mais c'est plus fort que moi
Tu vois je n'y peux rien
Ce monde n'est pas pour moi
Ce monde n'est pas le mien

Source du problème.

J’ai vu les perles écarlates ruisseler de mon côté,
Et jaillir de tes pupilles un fleuve d’ébène.
Jai cru savoir la pénombre dans tes prunelles.
Jamais je n’aurai connu le noir.
La nuit.

C’était un silence qui ne l’intéressait plus. Une torpeur qui soulevait sa poitrine dans un souffle rauque. Deidara caressait le visage de son ami. Ami.
Non il ne pouvait pas se l’avouer. Cela aurait été bien trop simple. Deidara n’était pas homme à reconnaître ses sentiments, mais plutôt à les renier. Et dans le soupir de sa douce respiration, sonnait une note amère de regret. Ou d’incompréhension. Les yeux d’Itachi restaient clos, pourtant, tout attentif qu’il était à l’état du jeune homme, le regard bleu de Deidara capta une modification dans le rythme auquel se soulevait la poitrine du maître Kanon. Doucement, son nom fut murmuré. La voix de son ancien maître procura un réconfort inexplicable au jeune tueur. Pourtant, sa main cessa de courir le long des lignes de la mâchoire d’Itachi, pour s’arrêter, doucement posée contre la peau de la joue. Presque haletant, sans bien comprendre pourquoi, Deidara cessa de bouger et s’emmura dans un silence des plus profonds.
Sans son meilleur ami, il ne serait même plus en vie. Quelque chose effleura sa joue, aussi délicatement qu’une aile d’oiseau prenant son envol. La larme ruissela le long de son menton, pour s’évanouir dans la commissure de ses lèvres. Un instant les iris sombres de son ami s’ouvrirent au jour. Cela ne dura qu’une seconde. Mais cela avait été assez. Le jeune homme avait compris. Chevauchant la pupille noir, les yeux d’Itachi étaient redevenus noirs. Il ne voyait plus . . . Deidara sentit le vide se faire au plus profond de son cœur. C’était de sa faute.
Tout simplement. Tout cela arrivait à cause de lui, et la culpabilité tendit ses serres avides vers la pénombre qui depuis toujours hantait son cœur. La brèche par laquelle un filet de lumière s’insinuait sembla se refermer. Si la nuit dévorait son âme, saurait il encore aimer ?

Jamais il ne pourrait lui dire. Car il ne pouvait pas l’aimer, c’était tout simplement inconcevable. S’il savait donner de l’affection, son cœur pouvait il vraiment éprouver le plus fort de tous les sentiments ? Le plus douloureux ? Etait il prêt à souffrir, encore et encore, sans jamais comprendre pourquoi ? Son maître l’avait secouru. Sans doute n’aurait il pas du.
Il était un naufragé. Son île déserte n’était plus que terre aride, visible uniquement de ses yeux. Alors que son meilleur ami le tirait vers des environs plus propices, il s’enfonçait.
Des glaives lacéraient sa conscience, tirant des traits de folie dans son âme autrefois si douce, si pure. Les spectres de son passé ne l’avaient jamais quitté. Il avait voulu les retrouver, s’abandonner à leur étreinte, à leurs caresses. Et c’était sa sœur qui était venu illuminer l’obscurité. Qui avait tenté de s’insinuer dans son cœur. Sans savoir qu’elle le briserait à tout jamais. Katsue… Il ne voulait même plus penser à elle. Non pas qu’elle l’ait déçu. Il l’aimait. Et pour elle il n’avait même plus de doute. Elle avait toujours été là lorsqu’il était enfant. Dans son ombre. Alors qu’il aurait du lui apprendre à allumer la lumière. Agenouillée dans le sang de leur père. Alors qu’il aurait du la serrer dans ses bras, lui caresser les cheveux, pleurer avec elle. Et l’aider à se reconstruire. Le jeune homme avait échoué. Il n’avait pas été un bon frère. Il avait été un élève bien faible. Un ami lâche. Quant à… Non il voulait oublier. Oublier cette flamme qui était devenue brasier, alors que son regard de ciel contemplait le visage torturé d’Itachi. Oublier l’inoubliable. Et faire disparaître l’amour. A jamais. Car il ne le désirait pas. Deidara ne devait pas aimer. Puisqu’il n’avait réussi qu’à le faire souffrir.
Par sa faute, le regard rougeoyant de son maître n’était plus que ténèbres.

Une main hésitante se posa contre la sienne. Il sursauta violement, tandis que son cœur faisait une embardée. Il serait toujours là. Mais plus jamais il ne le ferait souffrir. Si un jour Itachi désirait qu’il parte, alors il disparaitrait, avec ses regrets et ses pensées. Pour s’oublier.
Deidara jeta un vague coup d’œil au dehors. La neige tombait toujours avec violence. Il connaissait encore bien ce pays. Il ne pourrait rien y faire. Il fallait attendre. Attendre, seuls.
Alors que le malaise s’insinuait sous sa peau, et que la culpabilité lui serrait le ventre.

- Pardonne-moi, Itachi… murmura il avec douceur.

Sa voix pour quiconque ne le connaissait pas, aurait parut froide, désireuse de voir la conversation s’arrêter sur ces mots. Personne n’aurait pu lire dans ce ton coupable, la note de tendresse qui trainait parmi la rancœur et le chagrin. Personne, sauf ces yeux pourpres qui l’auraient sondé. Ces yeux fermés, peut-être à jamais. Les yeux bleus de Deidara auraient voulu tout oublier. Mais il ne voulait plus être lâche. Il ne voulait qu’une chose. Que son ami voit à nouveau. Et que leurs yeux se rencontrent.
Juste une fois.